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Contribution to Book
Le port de signes convictionnels par des agents publics
Regards croisés sur las assises de l'interculturalité (2013)
  • Cécile Mathieu
  • Paul De Hert
  • Serge Gutwirth
Abstract
Les auteurs se penchent sur une des questions analysées par le Comité de pilotage des Assises de l’Interculturalité, à savoir le port des signes convictionnels par les agents publics. L’analyse de cette question a d’ailleurs donné lieu à une recommandation du Comité de pilotage, qui a suggéré l’adoption d’une interdiction du port des signes convictionnels limitée aux agents publics titulaires d’une fonction d’autorité. Cette question est intimement liée au devoir de neutralité de l’Etat, qui est souvent mobilisé pour justifier une interdiction, à un point tel que, dans le débat public, toute position autre qu’une interdiction générale est vue par certains comme un infléchissement inacceptable du principe. La contribution analyse le port des signes convictionnels par les agents publics d’un point de vue purement juridique, afin d’établir dans quelle mesure ce port peut être réglementé ou interdit au regard de la garantie conventionnelle et constitutionnelle des libertés fondamentales et en particulier de la liberté de manifester ses opinions religieuses, qu’une limitation du port de signes convictionnels restreint. La première partie est consacrée à la Convention européenne des droits de l’homme et aux obligations en résultent (I). L’examen de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’homme montre que les Etats ont une grande liberté en la matière. Le devoir de neutralité mentionné dans la jurisprudence n’entraîne pas d’obligation dans leur chef d’interdire le port de signes convictionnels (I.1) mais la Cour reconnaît expressément la faculté des Etats de soumettre leurs agents à une obligation de discrétion dans l’expression de leurs convictions religieuses ou à un devoir de réserve (I.2). La seconde partie vise à donner un éclairage sur le droit belge existant (II) et montre qu’il n’existe pas d’interdiction générale du port de signes convictionnels actuellement (II.1), sauf dans l’enseignement communautaire qu’il soit néerlandophone ou francophone (II.2). Dans le second, il ne s’agit toutefois pas d’une mesure expresse, mais d’une conséquence des dispositions législatives sur la neutralité de l’enseignement communautaire francophone. La troisième partie examine la possibilité d’adopter des mesures législatives d’interdiction du port de signes convictionnels en droit belge (III). Se basant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la section de législation a, dans plusieurs avis, consacré que des interdictions visant toutes les fonctions formeraient des atteintes disproportionnées à la liberté de religion mais que des interdictions limitées à certaines fonctions, comme celles en contact avec le public par exemple, sont compatibles avec cette dernière (III.1). Dans cette optique, la recommandation du Comité de pilotage des Assises d’interdire le port de signes convictionnels ne devrait pas poser de problème de compatibilité avec la liberté de religion, mais beaucoup de doutes subsistent sur sa portée (III.2.). Ces doutes sur la portée de la recommandation du Comité de pilotage montrent d’ailleurs bien le dilemme que pose la question des possibles restrictions au port de signes convictionnels par les agents publics, à savoir la difficulté d’adopter une règle générale précise dont il est illusoire de penser qu’elle puisse arriver à un équilibre entre les droits fondamentaux des personnes concernées et la réalité concrète des administrations et qui court donc le risque d’être trop abstraite. Mais l’adoption d’ une règle générale ouverte, nécessitant une application au cas par cas risque de laisser la place à l’arbitraire et de faire porter la mission de fixer les critères d’application sur des juges qui semblent déjà largement dépassés par une question très sensible politiquement. S’il est très louable que des personnes, d’horizons très différents, aient pu parvenir à un consensus dans le cadre des Assises de l’interculturalité, force est de constater que le consensus, qui semble surtout apparent, n’est pas à même de résoudre ce dilemme.
Publication Date
2013
Editor
M-C Foblets & J-J Schreiber
Publisher
Larcier
Citation Information
Cécile Mathieu, Paul De Hert and Serge Gutwirth. "Le port de signes convictionnels par des agents publics" BruxellesRegards croisés sur las assises de l'interculturalité (2013)
Available at: http://works.bepress.com/serge_gutwirth/101/